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Critique BD « Les ennemis du peuple »

Ça commence comme ça :

Quelque part en Italie, une usine va fermer. Depuis que la grève a débuté, les salariés se relaient dans le froid, les visages tendus devant les grilles fermées de l’usine. Des quartiers, des centaines de familles, des voisins… tout un monde se trouve menacé par le plan de délocalisation d’une multinationale. Parmi ces gens, il y a Hannibal, un vieux syndicaliste qui n’accepte pas la capitulation ; son fils Fabio, désabusé, pour qui plus rien n’a de sens…




Ce que nous en pensons :

Avec Les ennemis du peuple, le scénariste Emiliano Pagani dépeint notre société avec une justesse impressionnante. Une critique, ou plutôt un constat, aussi malin dans son fond que dans sa forme.
En effet, l’artiste parvient ici à trouver l’angle parfait pour aborder plusieurs sujets d’actualité sans alourdir le rythme de son récit.

Les ennemis du peuple (Emiliano Pagani/ Vincenzo Bizzarri) – Glénat BD – 2024

Pour cela, Emiliano Pagani adopte le style narratif d’artistes tels qu’Émile Zola, Claude Lelouch ou Cédric Klapisch.
Plutôt que de centraliser son récit sur un héros, il préfère nous offrir une saga où chaque personnage est sur un pied d’égalité. Le scénario oscille donc d’une personne à l’autre avec une fluidité naturelle qui permet d’aborder ses multiples thèmes sans que cela paraisse forcé.

Nous suivons donc, Hannibal, un ouvrier de la vieille école sur le point de perdre son emploi, mais qui est persuadé qu’il peut faire plier le patronat.
Son fils Fabio, plus préoccupé à reconquérir son ex-petite amie qu’à son avenir dans le monde du travail. Chiara, ex-petite amie de Fabio qui œuvre dans une association d’aide aux sans-papiers et qui s’est remise en couple avec un carabinier. Mirco, un collègue d’Hannibal , auteur de BD d’heroic-fantasy à ses heures perdues qui se sert de ses bandes dessinées pour dénoncer ce qu’il vit au quotidien…

Les ennemis du peuple (Emiliano Pagani/ Vincenzo Bizzarri) – Glénat BD – 2024

Tout ce petit monde permet d’aborder, pêle-mêle, le chômage, bien entendu, le conflit des générations, le racisme, l’avortement, l’importance qu’ont pris les réseaux sociaux dans nos vies…
Sur ce dernier point, Emiliano Pagani nous rappelle que, si le besoin de reconnaissance à toujours existé (souvenez-vous que, déjà à la cour des rois, à défaut d’être, il fallait à tout prix paraître) l’expansion d’internet l’a décuplé.
Dorénavant, il est à la portée de tous d’avoir des milliers de followers, même pour un simple ouvrier.

Cependant, l’aspect graphique de l’album n’est pas en reste.
Si Emiliano Pagani crée l’étincelle, c’est le dessinateur Vincenzo Bizzarri qui nous offre feu d’artifice final. Son style, à défaut d’être à cent pour cent réaliste, a le mérite d’apporter un côté vintage au roman. Des personnages croqués à la main avec un magnifique encrage à l’aquarelle. De plus, l’artiste s’amuse à passer de l’Heroic-fantasy, lorsque nous suivons l’aventure écrite par Mirco, à la réalité avec une aisance incroyable. Vincenzo Bizzarri se paie même le luxe de nous offrir quatre pleines pages où il parvient, grâce à un superbe effet visuel, à faire un parallèle entre les deux histoires.

Les ennemis du peuple (Emiliano Pagani/ Vincenzo Bizzarri) – Glénat BD – 2024

La Bande dessinée a beaucoup évolué depuis quelques années. L’une des preuves de cette progression est l’apparition des romans graphiques. Les ennemis du peuple en est le parfait exemple. Un scénario riche et malin soutenu par des dessins de qualité. Le duo, Emiliano Pagani et Vincenzo Bizzarri , fonctionne à merveille et nous offre un témoignage objectif sur une société qui ne sait plus très bien où elle en est. Une œuvre intelligente à lire d’urgence.

Caractéristique de l’album :

Cette chronique a été réalisée à partir d’un album offert par l’attachée de presse des Éditions Glénat BD.

Notre note:

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