Critique DVD « La bête dans la jungle »

Pendant 25 ans, dans une immense boîte de nuit, un homme et une femme guettent ensemble un événement mystérieux. De 1979 à 2004, l’histoire du disco à la techno, l’histoire d’un amour, l’histoire d’une obsession. La « chose » finalement se manifestera, mais sous une forme autrement plus tragique que prévu.

Voilà un film osé, non pas qu’il soit racoleur ou violent, mais La bête dans la jungle nous propose une véritable expérience.

Une boîte sans nom, une physionomiste énigmatique (magnifiquement interprétée par la non moins énigmatique Béatrice Dalle) et une femme et un homme qui traversent les époques dans l’attente d’une « chose ».
Voilà les éléments qui composent le troublant La bête dans la jungle.

Patric Chiha nous propose une sorte de relecture moderne d’En attendant Godot de Samuel Beckett.
Tout comme dans la pièce, May et John espèrent quelque chose qui tarde à venir et, comme dans le drame, ils s’ennuient.
Nous voyons tout bouger autour de nos héros, mais eux restent statiques en quelque sorte. La jeune fille pleine de vie et exubérante du début du film laisse même place à une femme terne délaissant ami(e)s et mari pour attendre « la chose » auprès de John.

Dès lors, la boîte de nuit qui sert de décor au film pourrait être une sorte de purgatoire dont la physionomiste, qui raconte l’histoire, serait le Charon.
C’est en ça que le scénario de La bête dans la jungle est terriblement intelligent, puisqu’il laisse le spectateur seul juge de ce qu’il voit.

La bête dans la jungle sert aussi de prétexte pour résumer 25 ans d’histoire et de musique. L’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, les ravages du SIDA, l’effondrement des deux tours de New-York… Du funk à la techno pour finir par la Tecktonik, les années glissent sans que nous n’en ayons vraiment l’impression puisque May et John semblent être les seuls sur qui le temps n’a pas de prise.

Comme souvent, nous terminerons cet article en soulignant la performance des acteurs.
La jeune Anaïs Demoustier (Sauver ou périr, Daaaaaali…) parvient à rendre crédible son évolution (ou sa régression, selon les points de vue) et donne à May une vraie âme.
Quant à Tom Mercier (Le règne animal, Synonymes…), c’est tout l’inverse. Il offre à John une neutralité (quasi) constante jusqu’à la fin du film. Un visage inexpressif, une voix monocorde, le comédien semble incarner un pantin placé par hasard sur la route de la jeune femme.
Enfin, Béatrice Dalle, dont nous vous parlions récemment pour son rôle dans À l’intérieur, est tout à la fois. Tour à tour chaleureuse ou mystérieuse, pour ne pas dire mystique, elle est le point d’ancrage du scénario. Encore une sublime prestation de cette actrice hors du commun.

Certes, Une bête dans la jungle n’est pas une œuvre accessible à tous. Son rythme lent et contemplatif fera même fuir une certaine catégorie du public peu habitué à ce genre de films. Pourtant, pour qui sait apprécier le cinéma d’auteur, l’expérience en vaut largement la peine. Que ce soit pour sa mise en scène sobre, mais soignée, ses acteurs ou son ambiance à la fois étrange et paradoxalement très banale, le long-métrage de Patric Chiha à de quoi plaire.

• Entretien avec Patrick Chiha (VF 25min27)
  Une interview exclusive pour le DVD où le réalisateur revient, en toute simplicité, sur le parcours du film. Il explique que le scénario original vient d’une nouvelle éponyme.
  Un segment qui permet de voir sous un autre angle La bête dans la jungle.

• LA BÊTE DANS LA JUNGLE
• De: PATRIC CHIHA
• Avec: ANAÏS DEMOUSTIER, BÉATRICE DALLE, TOM MERCIER…
• Nationalité: Français
• Genre: Drame, Tranche de vie
• Classification: Tous publics
• Durée: 1h40
• Producteur: Les films du losange
• Distributeur: Blaq Out
• Date de sortie: 5 décembre 2023
• Prix: 19,99€

Cette chronique a été réalisée à partir d’un DVD offert par l’attachée de presse du groupe Blaq Out .