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Interview de Jérémie Bossone à l’occasion de la sortie de son album « Le décembre Italien ».

C’est encore avec un immense plaisir que nous avons pu recueillir les propos de notre ami Jérémie Bossone qui nous parle (longuement) de son nouvel album Le décembre italien dont vous pouvez retrouver notre critique ici

Bonjour Jérémie,
Tout d’abord d’où t’es venue l’inspiration pour Le décembre italien et pourquoi l’hiver plutôt que le printemps ou l’été, qui sont des saisons beaucoup plus propices à l’amour ?

Arfff, l’hiver et l’Italie… C’est un carrefour de sensations, un oxymore qui m’habite, un « état » que je porte en moi depuis presque toujours… Il transparaît de temps à autre dans ce que j’écris, romans ou chansons… Bon, j’avoue que pour le coup avec Le décembre italien, cet « état » s’est taillé la part du lion. Et puis j’aime à rapprocher les choses qui s’excluent a priori. Des bouts de vérité se cachent souvent dans les proximités provoquées. Mais tu sais, au final, « Décembre » et « Italie », c’est simplement parce que ça s’est passé comme ça : deux voyages en décembre en Italie ! L’existence a un certain poids. Elle vous dicte des choses. Souvent c’est terrible, parfois c’est beau. Stevenson disait que la vie n’est qu’un roman mal agencé. Je suis rarement en désaccord avec Stevenson ;-). L’art sert à ça, à « remettre les choses en ordre ». L’art, c’est la grande chance de l’humanité !

Interchangeables peut-être interprété comme un morceau très cynique ou au contraire plein d’espoir, quelle est ta vision de ce titre ?

C’est intéressant, tu n’es pas le premier à faire cette réflexion. Je trouve ça dingue, car à mes yeux cette chanson est la plus noire de l’album. Le cynisme s’y montre dévastateur, et le sentiment amoureux y est attaqué dans son substrat, torpillé dans son essence même. Cette chanson ne laisse aucune chance à l’amour. Alors bon, je l’aime bien moi, cette song, mais heureusement que je n’en écris pas que des comme ça ! Ce qui me frappe, c’est l’aspect équivoque qui semble s’en dégager, alors que je prends soin de ne jamais travailler dans cette optique. À quelques rares exemples près, mes chansons disent toujours ce qu’elles disent, certes selon la célèbre formule de Rimbaud : « littéralement et dans tous les sens », mais je m’efforce d’en clarifier l’espace au maximum pour ne tracer qu’une seule trajectoire narrative, épurée, limpide. Le côté « je mets dans une chanson des images et des mots, et chacun y verra ce qu’il veut », c’est probablement la tendance d’écriture la plus répandue en chanson pop. Je trouve ça respectable, et certains le font très bien, mais j’avoue que ça ne m’intéresse guère. Ma manière de faire est à l’opposé : je construis mes chansons comme des romans, avec une architecture dramatique, des climats, des personnages, des sentiments, des dialogues, des couleurs. Le développement narratif y est très précis, et comme je te le disais à l’instant, il dessine une trajectoire unique. Certes, un chemin unique, il y a mille façons de l’arpenter (autant de façons que d’auditeurs), mais je fais en sorte de réduire la part laissée au hasard. Et malgré ça, il y  a toujours quelques éléments qui vous échappent. De toute évidence, c’est le cas ici avec Interchangeables (comme du reste ça l’est toujours plus fréquemment avec des chansons à caractère moins narratif). À la fois ça m’énerve un peu, et en même temps, ça me plaît, parce que ça en dit long sur la matière chansonnesque : ce n’est pas la moindre des beautés d’une chanson que d’échapper par endroits aux griffes de son auteur… 😉

Ton frère Benjamin a-t-il participé à cet album comme il l’avait fait pour Les Mélancolies pirates ?

Bien sûr ! De l’enregistrement au mixage, en passant par le jeu des claviers et des batteries, il a tenu une part importante dans cette aventure, mais le processus de création n’avait rien à voir avec celui de l’album précédent. Quel que soit le défi, l’aventure entreprise (et chaque nouveau disque est une nouvelle aventure), nous travaillons en étroite collaboration, bien que de manière différente selon les albums. Le but du jeu ici était d’enregistrer quelque chose de plus « folk », de moins « stud ». On est très loin du travail opéré sur la texture sonore des Mélancolies pirates. Ce n’est pas qu’on a délaissé le son, mais je voulais quelque chose de plus brut, de moins fourni, quelque chose de plus « live », avec comme axe principal l’emploi de trois guitares folk. Sur l’album, elles jouent ensemble, le plus souvent accompagnées par une section basse/batterie, parfois un piano, un clavier. Les ricains ont quelque chose de très naturel avec cette formule d’un « folk rythmique ». Dès qu’un Français s’y attelle, ça devient tout de suite plus compliqué… C’est un vieux problème… et comme ça avait la tronche d’un défi, je n’avais qu’une envie : m’y frotter ! 😉 A l’arrivée, j’aime le résultat. Mais faut dire que musicalement, j’étais bien épaulé. En dehors de Benjamin qui gérait les claviers et les batteries, il y avait Nicolas « Nikos » Métois à la basse, un vieux camarade qui m’a accompagné un moment sur scène à mes débuts dans la chanson… Quand il a fallu choisir un bassiste pour les sessions d’enregistrement, j’ai tout de suite pensé à lui. L’envie de partager autre chose que les tournées rocambolesques de mes débuts… J’aime beaucoup son travail sur l’album. Discret, mais précis, inspiré, efficace, les bonnes notes et les bonnes tournures au bon moment. En ce qui concerne les deux guitaristes, Mark Azambre et Jonathan Montolive, ils ne sont pas dans le circuit professionnel de la musique, mais ce sont des amis de longue date, et des instrumentistes chevronnés. Tous deux sont très attachés à leurs campagnes respectives et à leur mode de vie, ce que je comprends très bien. Jon avait déjà posé quelques guitares sur mon premier album, Gloires. Mark pas encore. Comme il excelle à la 12 cordes, je me suis dit que c’était le moment ou jamais de faire appel à lui. Je les ai rapidement briefés sur quelques petits trucs, leur ai dit ce que j’avais en tête, genre : les parties de guitares qu’on peut trouver sur quelques albums acoustiques de Dylan, de Graeme Allwright, ou encore ces formidables arrangements de 12 cordes arpégées qu’on entend, mixés sur le côté, dans certains vieux albums d’Yves Simon et qui m’ont toujours fasciné… Ce genre de choses. Mais pas plus. La fraîcheur de Mark et Jon m’intéressait, il n’était pas question de l’abîmer en les gavant de consignes, ou en leur laissant le temps de trop réfléchir… Je voulais enregistrer vite. Je leur ai montré les grilles d’accords, on s’est assis en rond avec nos guitares, on a ouvert les micros, et roulez ! Il y a eu trois séances. La plupart des prises conservées pour l’album proviennent de la dernière. Après ça, l’idée était de ne pas commencer à tout retoucher. Aujourd’hui, les moyens techniques ne manquent pas, et l’on peut corriger chaque détail d’un disque (d’ailleurs, la plupart des musiciens ne se gênent pas…), mais pour cet album, plus encore que pour les précédents, je souhaitais conserver la spontanéité du jeu, avec ce que cela implique de rugueux, de petits accidents, de notes qui accrochent, etc… Là encore, je crois que nous sommes nombreux à rêver de ça en amont, mais pour s’y tenir ensuite, une fois que les prises sont dans la boîte et qu’on a tout loisir de les corriger, c’est une autre paire de manches… Pas facile d’accepter la prise finale telle quelle et de graver sur la galette la chanson en l’état, avec ses accrocs, ses décalages dans le tempo, toutes ces petites imperfections qu’au 21ème siècle il nous est aisé de gommer d’un clic… Vaste dilemme pour la conscience d’un musicien ! Mais depuis le début mon choix était clair sur ce point, et je m’y suis tenu, ce qui est probablement l’une des choses dont je suis le plus fier sur ce disque ! Le problème ne se posait pas il y a un siècle, quand Robert Johnson, Mississippi John Hurt et tous les bluesmen de cette période, en enregistrant à l’arrache dans des granges, offraient sans le savoir à l’Histoire de la chanson pop ses premières pépites… Aujourd’hui, la donne est différente, et il nous faut parfois (je dis bien « parfois ») prendre un peu de recul avec la modernité pour retrouver cette forme d’innocence indispensable à la naissance et au climat de certaines chansons. Pour Le décembre, j’avais besoin de ça. Cela réclame une sacrée confiance dans les musiciens qui t’accompagnent, mais si cette confiance est là, alors ça roule ! Au moment des prises, on est à l’écoute du jeu des uns et des autres, on avance ensemble, on se trouve en cours de route, et l’on savoure à la fois les instants de grâce et les petites imperfections, puisque c’est l’ensemble de tout ça qui fait la magie et la vie de ce type de chansons !

Le décembre italien a une musicalité plus travaillée que Gloires, mais est cependant moins extravagant que Les Mélancolies pirates. Peut-on déjà parler d’album de la maturité ?

Ah ah, comme tu y vas ! Bah, on peut parler de ce qu’on veut, mais tout ça reste du bavardage ! La « maturité », c’est pas vraiment le genre de truc que j’ai en tête au moment d’un enregistrement… La vérité, c’est que chacun de mes albums diffère du précédent. Chaque album possède un ton qui lui est propre : la couleur change, les atmosphères varient. C’est tout ce qui compte à mes yeux. À quoi bon refaire toujours le même disque ? C’est ennuyeux, et c’est injuste : injuste pour le public, injuste pour moi, injuste pour l’art. Pourquoi tant d’injustices ? 😉  Il y a tellement de beautés qui ne demandent qu’à être arrachées à leurs zones d’ombre…

On reproche souvent à des artistes comme Julien Doré ou Christophe Maé de ne faire que du Julien Doré et du Christophe Maé. Pourtant, nous avons pu déjà remarquer que certains de tes fans commencent à te reprocher le côté fleur bleue de l’album. Aux petites chroniques, nous appelons ce phénomène (très Français) « le syndrome du toujours jamais content ». Est-ce là quelque chose qui t’amuses, t’énerves ou cela te laisse-t-il indifférent ?

Un peu tout cela, selon mon humeur ! ;-). Mais oui, c’est un mal très humain, et qui plus est, comme tu le dis, « très français ». On fait avec. Ce qui est sûr, c’est que pour attribuer un côté « fleur bleue » à cet album, il faut assurément ne pas l’avoir écouté…

D’ailleurs, il y a quelques pics lancés aux médias dans Le décembre italien. Pourquoi tant de haine même dans un album romantique ?

La haine, c’est l’une des données fondamentales du romantisme ! L’une de ses forces motrices, au même titre que la violence ou l’ambition. Ce sont des aspects qui me passionnent en art. On les retrouve toujours, que ce soit dans un roman de Balzac, un couplet d’Eminem ou un film de Peckinpah, et je trouve ça normal, primordial même ! Quel que soit le domaine investi, au fil des ans on accumule des victoires et des échecs, des amours et des haines, des joies et des déceptions… On ne traverse pas la vie sans se frotter à quelques ténèbres… Quand une œuvre prétend rendre compte d’un parcours, ne pas mentionner ces ténèbres, c’est juste tricher. J’aime pas tricher. Et puis il me paraît normal, et plus riche, et plus juste, de rendre compte de ces choses plus sombres, ne serait-ce qu’en quelques lignes dans une chanson. Les médias (et je te parle là des plus grands hein, pas des autres, pas des plus humbles et des plus passionnés, pas de tous ces petits David qui se battent à la force de la plume et du cœur sous l’étendard des beautés et font face aux Goliath de la presse qui vendent celles-ci à tous les marchands), non, je te parle bien des « grands médias », eh bien ceux-là ont vraiment salopé beaucoup de choses… Ils font sauter un à un tous les ponts qui relient le cœur de l’artiste à celui du public, tous ces ponts sur lesquels l’art est censé traverser pour circuler des uns aux autres… Et tout ça « pour quelques dollars de plus »… C’est vraiment dégueulasse. Mais on a déjà évoqué ça ensemble, non ? Pfff… Eh bas disons que la situation n’a pas évolué depuis notre dernier échange. Dommage. En tous cas, tant qu’existence et chansons avanceront de paire, il y aura toujours de l’amour à répandre et des comptes à régler. C’est tellement beau de pouvoir exprimer tout ça en quelques couplets ! Et puis, quand la part obscure des sentiments vient à disparaître au sein d’une œuvre qui s’articule sur la durée, je trouve ça douteux… C’est qu’en effet on ne fait plus alors dans « le romantisme », mais bien dans le « fleur bleue ». Bon, why not, j’ai rien contre. Ce n’est juste pas mon domaine. 

En parlant de romantisme, si on parlait un peu de la rime en  » Ouille » du titre Malaise à Venise…

Pourquoi celle-ci en particulier ? Allons allons, pas de favoritisme !

La date de sortie du Décembre italien avait été reportée à cause de la crise sanitaire. Comment as-tu vécu cette attente forcée ?

Par rapport au Décembre, c’était craignos. Mais on a traversé (et l’on traverse encore) quelque chose de tellement insolite… Si l’on met un instant de côté l’aspect tragique de cet épisode inédit dans l’Histoire de l’humanité, la souffrance et les morts engendrés, si je mets de côté la route, les concerts, les copains et les verres échangés, toutes ces choses qui ont brutalement pris un aspect vaporeux, comme si elles n’étaient plus que de vagues souvenirs, je dirai, en prenant soin de ne heurter personne, que j’ai vécu une période extraordinaire ! Je pouvais enfin créer à ma guise, à toute heure du jour et de la nuit, bien plus encore que d’ordinaire, puisque le monde s’étant arrêté de tourner, je n’avais plus à lui rendre de comptes ! Toutes ces obligations inhérentes à nos métiers respectifs et qui empoisonnent la vie, ou ralentissent l’essor potentiel des beautés que vous vous efforcez d’y faire fleurir, tout ça s’est envolé ! Plus besoin de passer tous ces « coups de téléphone importants » : il n’y avait plus personne au bout du fil ! Ô miracle ! Je n’avais qu’une chose à faire : me focaliser sur la création. Mieux encore : donner enfin du temps à des projets qui en période ordinaire ont peu de chance d’être défendus. J’ai pu ainsi me consacrer à l’écriture d’un roman, d’un album rap (pas pour le projet Bossone), au montage vidéo de matières visuelles, à la rédaction d’une centaine de pages de scénarios et de dialogues… Un véritable instant d’apesanteur créative ! J’ai eu le temps aussi non pas de lire, mais de relire beaucoup de mes romans favoris (une trentaine à peu près, quel pied !). Là encore, une occupation que le quotidien ne m’autorise guère. Pas le temps. Jamais le temps. Je crois que ce confinement, pour les plus chanceux d’entre nous, ou les plus égoïstes, ou les plus attentifs, ou les plus curieux, etc… a été l’occasion de redéfinir un peu notre vision du temps, notre rapport à la vie. C’est une opportunité unique de faire le point sur notre conscience du monde, sur le regard que nous portons sur notre existence, sur celle des autres, sur le rapport que nous entretenons avec la solitude, et avec la planète. A la vue de certaines images, il y a quand même des questions à se poser, non ? Voir le monde et la nature se relever à ce point à l’heure où l’être humain est mis à genoux, c’est troublant ! Ça fait réfléchir. J’aimerais tellement que l’être humain sorte grandi de cette crise, qu’on apprenne quelque chose de l’épreuve…

Mais oui, pour ce qui est du Décembre italien, il était prêt bien avant. Hélas une avalanche de problèmes nous est tombée dessus, et puis enfin, cerise sur le gâteau : ce/cette Covid est arrivé(e), et la sortie du disque a été retardée de près d’un an. Une belle catastrophe en Bossonie, mais bon, le monde était secoué par un séisme d’une autre ampleur… Parfois, les malheurs du dehors vous font relativiser ceux du dedans.

Nous avons cru comprendre que tu avais profité du confinement pour te remettre à l’écriture d’un roman et qu’un nouveau projet avec l’ami Kapuche pourrait voir le jour. Peux-tu nous parler un peu de ces deux projets, s’il te plaît ?

Bah, c’est ce que je t’évoquais à l’instant, que dire de plus… J’ai toujours écrit des romans, mais la rédaction d’un roman demande beaucoup de temps… Alors oui, le confinement m’en a offert, du temps, et avec lui, les deux tiers d’un nouveau livre… Mais c’est donc encore un tiers trop tôt pour en parler 😉 . Kapuche, c’est une autre histoire… L’évoquer ici en quelques phrases relève de l’impossible. Même si ce projet est beaucoup moins immédiatement « rentable » que la chanson (en termes de partage avec le public, de notoriété acquise, ou même sur le plan financier), c’est sans aucun doute l’aventure artistique la plus importante de ma vie, même s’il est peu probable que je parvienne à la mener à son terme (une vie, c’est un peu court pour établir notre « grand oeuvre »… ;-)). Peu importe, j’y travaille. J’aime les œuvres d’envergure qui réclament des pans entiers de notre propre existence pour voir le jour. Cela demande à l’artiste un engagement total. Pas de triche possible. Je trouve ça tellement juste, et tellement beau ! Regarde : plus de 20 ans déjà qu’Eiichirō Oda travaille à One Piece, et plus de 30 que Kentarō Miura planche sur BerserkC’est à la fois dingue et monstrueusement beau ! Kapuche a pas mal de choses en commun avec ces cousins du pays du Soleil-Levant, mais ce serait restreindre son univers que de l’envisager dans la seule perspective du manga… Enfin bref, oui, j’y travaille. Chaque jour, et pour ainsi dire : à toute heure. Même en ce moment où je te parle, dans un coin de ma tête, je pense à Kapuche ! 😉 . L’individu Kapuche a son aventure à suivre, et cette aventure avance. Sera-t-elle un jour rendue publique ? C’est aujourd’hui l’un de mes plus grands rêves. En attendant, ce que je peux te dire, c’est que le crossover survenu sur l’album des Mélancolies pirates devrait bientôt trouver un prolongement sur scène… Mon équipe et moi y travaillons activement. Ça va déménager ! D’ailleurs, pour en revenir à la question que tu posais au début de cette interview, si l’heure de la « maturité » a sonné, ni Kapuche ni moi n’en avons entendu les cloches ! 😉 

Enfin dernière question que tous tes fans se posent : as-tu rendu son hydravion à Benoît Dorémus et si oui, dans quel état ?

Arfff… J’ai droit à un joker ? Hum… Comment dire… Le voyage a été rude, l’engin a un peu morflé… Et Benoît tient beaucoup à son hydravion… Ouais…  Si tu permets, évitons les sujets qui fâchent !

Merci Jéré…

Attends, je t’interromps une seconde, parce que je me rends compte qu’on a parlé de Kapuche, du confinement, des « fleurs bleues » et tout ça, mais pas vraiment du Décembre italien, enfin, en dehors de son aspect technique… Mordious, je viens d’enfumer ma promo ! Bah ! De toute façon, il vaut mieux écouter l’album que moi. Sur le disque au moins, il y a les guitares ! D’ailleurs, si j’étais l’auditeur de cet album, je me mettrais un casque sur la tête, m’allongerais sur mon lit et éteindrais la lumière pour m’embarquer vers cette Italie mentale… J’aime les voyages, mais peu me paraissent aussi riches que ceux que nous procure la géographie des sentiments… Celle du Décembre italien m’a travaillé longtemps. C’est d’ailleurs le grand paradoxe de cet album enregistré rapidement : sa gestation a duré des années, et l’accouchement trois jours ! Peu importe. Ce qui compte, c’est le nouveau né, le fait qu’il soit enfin là. Et je le trouve beau cet enfant… Certes, je ne suis pas objectif, moi, je suis le papa et la maman ! Mais justement : il est parfois bon de mettre un peu à distance l’objectivité, le temps de voir passer les jolies choses… Maintenant que cet album est sorti de moi, je peux enfin savourer la lumière de ses guitares mêlées, l’étrange ballet de ses deux protagonistes, ses souvenirs en flocons, la cohorte des villes traversées, les joies et les peines qu’il trimbale… Aujourd’hui, toutes ces choses ne sont plus seulement les miennes, elles ont enfin été déposées dans le monde, elles lui appartiennent autant qu’à moi, et je crois que c’est bien ainsi. Oui, ce voyage m’a travaillé longtemps… J’espère qu’il en sera de même pour quelques personnes, « to the happy few » comme disait Stendhal… 😉

Merci Jérémie et à bientôt.

Merci à toi.

Le décembre italien (Jérémie Bossone) – Wolf Walk Unit – 2020

Propose recueillis, le 19 octobre 2020 et retranscrits d’après un fichier texte. Crédit photo d’ouverture Laeticia Defendini

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